Octobre 2022-mars 2023 : les élèves de khâgne et d’hypokhâgne se souviennent de « Richard II » de Shakespeare, mis en scène par Christophe Rauck

Richard II de Shakespeare,

mis en scène par Christophe Rauck,

avec Micha Lescot

 

            “Assis par terre, je veux raconter la triste histoire de la mort des rois.” Cette histoire, c’est la tragédie de William Shakespeare Richard II et c’était au théâtre des Amandiers à Nanterre, le mercredi 12 octobre 2022. La classe d’hypokhâgne accompagnée des khâgneux de spécialité anglais sont allés ensemble au théâtre admirer la mise en scène de Christophe Rauck.

            Richard II est une tragédie shakespearienne de 1595, première de la tétralogie Henriad; elle raconte l’histoire du roi Richard II d’Angleterre, qui a régné de 1377 à 1399. Il aurait été commanditaire du meurtre du duc de Gloucester, l’oncle commun de Richard et de Henry. La pièce examine les conflits politiques et les luttes pour le pouvoir au sein de la cour royale et la chute du roi Richard à la suite de la rébellion de Henry Bullingbrook, qui devient Henri IV. Ce combat fratricide ouvre la voie à plusieurs réflexions sur la responsabilité du roi envers son peuple, la nature du pouvoir ou encore sur la justice divine, jusqu’au pouvoir du théâtre.

            Il s’agissait pour la plupart des élèves de la première fois qu’une pièce de William Shakespeare était jouée devant leurs yeux, époustouflés par un jeu d’acteur convaincant, une mise en scène audacieuse, un texte hermétique, une chute métaphysique. Pour la classe préparatoire, elle a donné le ton. C’est une apologie de la méditation métaphysique, de la réflexion perpétuelle, le tout dans une traduction soignée qui, certes, ne peut – de toute évidence – égaler la poésie des pentamètres dactyliques de Shakespeare mais qui retranscrit à merveille la profondeur des vers.

Adam HASSANI, étudiant en khâgne, spécialité anglais

 

Dans la pièce de Shakespeare Richard II  mise en scène en octobre 2022 par Christophe Rauck, le personnage principal est incarné par Micha Lescot, qui correspond parfaitement au personnage. L’acteur a une corpulence très fine, il est grand, en opposition avec le physique massif de l’acteur Eric Challier jouant son rival Bolingbroke. Richard est le Roi, pourtant il n’en a littéralement pas les épaules, sa stature est frêle ; tandis que son ennemi a la carrure d’un Roi. Mais au-delà du physique, Micha Lescot incarne sur scène le Roi : ce Roi qui n’est pas à sa place, entre ombre et lumière, qui se déplace en dansant, en passant derrière les décors, sautant de décor en décor, toujours en équilibre, jamais stable. Sa couronne est presque trop grande pour lui, et lorsqu’il la remet à son rival, son attitude change. Lui qui dansait d’un bout à l’autre de la scène en occupant tout l’espace, se retrouve par terre, dans une chemise trop grande, allongé sur le sol. En rendant sa couronne, il perd tous ses repères, il perd l’équilibre et sombre. C’est très bien joué par Micha Lescot qui incarne le Roi déchu, qui joue son propre bouffon. Cela remue le spectateur, ça l’émeut puisqu’il assiste à la chute de ce Roi dont on peut clairement voir les failles : il est humain et nous ressemble, car il a ses faiblesses.

Mais c’est aussi la mise en scène de Christophe Rauck qui bouscule le spectateur. Le décor est composé de deux escaliers mouvants qui peuvent tourner l’un autour de l’autre, s’avancer et reculer. Ces décors servent l’histoire et nous indiquent les relations entre les personnages. Lorsque le Roi Richard II et sa femme sont sur le point d’être séparés, ils sont chacun sur un escalier et tournent l’un autour de l’autre, comme pour signifier la spirale dans laquelle ils sont pris, le bouillonnement qu’ils ressentent à l’idée de ne plus se voir, et leur solitude, car plus personne ne soutient Richard à part la Reine. L’utilisation de la lumière permet aussi de comprendre les personnages. Dans les premières scènes, Richard II parle à un personnage décédé qui est au milieu d’une « douche » de lumière. Micha Lescot tourne autour, en laissant parfois une épaule passer dans la lumière. Cela peut représenter la dualité du personnage de Richard II, entre l’ombre d’un homme qui n’est pas à sa place, et la lumière de celui qui a le titre de Roi.

Enfin, la mise scène de la dernière scène permet aussi d’émouvoir le public, lorsque le Roi est allongé au sol en chemise et déclame un long monologue pendant qu’il est filmé vu de haut, avec la retransmission sur l’écran au fond de la scène où on voit la caméra tourner sur elle-même, représentant la nausée, le délire d’un Roi qui a tout perdu.

Juliette BERTHOMIER, étudiante en hypokhâgne