“Camarades, je veux manger. Mais plus encore, je veux vivre.” – Sémione Sémionovitch, extrait du Suicidé de Nicolaï Erdman
Nous nous sommes rendu.e.s en car jusqu’à la MC93, à Bobigny, pour assister à la représentation du Suicidé, que son metteur en scène, Jean Bellorini, a choisi de sous-titrer Vaudeville soviétique, pour en donner le ton plus justement.
Nous avons en effet beaucoup ri devant cette pièce de Nicolaï Erdman, grâce à un texte et une intrigue grotesques parfaitement mis en valeur par l’excellent jeu des comédiens et la mise en scène ingénieuse. Les décors, peu chargés et jouant sur la lumière, se succédaient par des manœuvres simples et fluides, rythmées au son de trois musiciens sur scène. La musique accompagnait d’ailleurs toute l’histoire, parfois même par le biais des personnages qui chantaient des chants traditionnels russe et tzigane, ou bien encore, à notre grande surprise, la chanson “Creep” de Radiohead.
Si nous nous sommes bien amusé.e.s et avons été enchanté.e.s par ce spectacle exceptionnel, nous avons tout de même pu mesurer la portée et l’extrême importance d’une telle pièce. Une lettre de l’auteur Mikhaïl Boulgakov adressée à Staline a été lue et projetée sur le fond de la scène. Elle demande le droit pour Nicolaï Erdman de retourner vivre à Moscou et d’y travailler librement en tant qu’artiste.
Condamnant les régimes totalitaires, l’usage de la mort d’un autre pour revendiquer un idée, et la privation des libertés individuelles, l’œuvre du dramaturge est un éloge de la liberté de vivre de chaque individu, à mettre en résonance avec le régime russe actuel, ce qui a été explicitement rappelé dans cette représentation par la diffusion du message vidéo du rappeur russe Ivan Vitalyévitch Pétounine, qui a préféré avoir le choix de se donner la mort, plutôt que de cautionner la guerre en Ukraine et de tuer des hommes.
Thémis Jannin-Mallet, étudiante en hypokhâgne
