Février 2023, atelier de culture générale en hypokhâgne : résister, de l’histoire à la mémoire photographique

« Le pouvoir de mobilisation des images »

Travail réalisé dans le cadre des ateliers de Culture Générale en hypokhâgne

Histoire, madame Schneider

 

Les ateliers de Culture Générale menés cette année en Histoire ont amené les étudiant.e.s à réfléchir sur la force et les usages des images, en partant du tableau de Poussin, Le Massacre des innocents, accompagné d’un corpus de textes (Georges Didi-Huberman, Susan Sontag, etc.). Les étudiant.e.s devaient ensuite choisir une photographie les ayant profondément marqué.e.s et la présenter à l’oral, en la replaçant dans son contexte de production et en expliquant les raisons de leur choix. Voici celui d’Estelle Meurice, dont la résonance est encore aujourd’hui très forte.

 

« Le 13 juin 1936 au chantier naval Blohm & Voss de Hambourg en Allemagne est organisée l’inauguration d’un nouveau navire. De cet événement il ne reste qu’une photographie longtemps oubliée.

August Landmesser, un jeune ouvrier allemand qui travaille au chantier naval, se trouve dans ce bain de foule. Ce jour-là, Hitler doit prononcer un discours, sa présence est considérée comme un honneur.

La réponse à l’absurdité de la politique raciste du IIIe Reich, c’est la révolte. C’est ce qu’on voit dans la posture de August Landmesser : un acte de résistance dans cette masse qui adhère à l’idéologie nazie. Il ressort de la foule et se tient droit fièrement. On devine un sourire ironique sur ses lèvres. Les bras croisés en signe d’opposition et de refus à l’encontre des lois antisémites promulguées par l’Allemagne.

Ces lois lui empêchent, deux ans plus tôt en 1934, d’officialiser son mariage avec Irma Eckler. Le problème majeur dans l’Allemagne de l’époque est que Irma est juive… La même année, le couple défie encore un peu plus le régime en mettant au monde un enfant, Ingrid, puis ils ont leur second enfant Irène.

Le parti nazi demande à August de quitter sa femme pour réparer l’outrage fait à la « race aryenne », il refuse. En 1937 August Landmesser tente de faire passer sa famille au Danemark, ils sont arrêtés en route, puis libérés et arrêtés une seconde fois un an plus tard.

La famille est alors disloquée : August est envoyé en camp de concentration de Börgermoor en 1938 puis il est envoyé au front en 1941, où il est présumé mort. En 1942, Irma est envoyée dans le camp de Ravensbrück où elle est assassinée. Les deux filles sont placées à l’orphelinat mais survivent à la guerre.

La position de August Landmesser sur cette photographie a donc été à l’image de sa vie : dans l’affirmation de ses choix et de son hostilité à la banalité du mal où son libre arbitre devient un instrument de résistance.

La photographie nous pousse également à nous interroger aujourd’hui, sur notre pouvoir d’interférer à l’engrenage du racisme jusqu’aux crimes de masse : où chacun peut agir à sa manière et résister à la haine. »

Texte d’Estelle MEURICE, étudiante d’hypokhâgne