Janvier 2023 : hypokhâgne et khâgne à un concert de Bach à la Maison de Radio France

        Un vendredi 13 à Radio-France, des étudiant.e.s d’hypokhâgne et de khâgne savourant cantates et brandebourgeois de Bach à l’auditorium

 

Pour un soir de vendredi 13, les classes d’hypokhâgne et de khâgne n’ont pas ressenti la moindre once de terreur mais plutôt de béatitude à l’écoute des Cantates et brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach. Ce concert qu’on doit à l’ensemble Vox Luminis et à l’orchestre Pulcinella a donc eu lieu à la Maison de la Radio et de la Musique, en plein cœur du XVIe arrondissement de Paris.

Les plus douces voix de rosières ont ouvert le bal somptueux, louant le Christ et baignant l’auditoire dans une atmosphère galante qui n’a rien à envier à celles que peignaient Watteau ou, plus tard encore, Fragonard. Les cordes ont sonné, les bois ont vibré, et nos âmes se sont reposées. Entendre les puissantes voix nous a de toute évidence rappelé que le XVIIIe siècle n’est pas qu’un siècle d’amour et de fête, mais aussi un siècle complexe et mouvementé. L’auditoire s’incline en tendant l’oreille face au clavecin, fauve à la tête du règne instrumental de l’Allemagne du XVIIIe siècle. Et là, magie ! L’auditoire happé par l’harmonie, les notes de Bach envahissent la salle de concert et les mots d’allemand donnent l’envie à tout germaniste convaincu de les chanter à son tour.

La musique de Bach ravive la flamme artistique propre à chaque être humain. Assez rares sont les musiques des siècles passés qui éveillent le cerveau peintre de chacun d’entre nous. Il devient naturel de s’imaginer des scènes certainement fidèles de la vie mondaine au XVIIIe siècle. Philippe Sollers lui-même écrivait dans son essai sur le XVIIIe siècle, “Watteau reste le peintre du XVIIIe siècle qui a le mieux compris la musique de son temps : il en a donné un équivalent pictural… Ce que les compositeurs contemporains avaient conçu en musique, Watteau l’a réalisé en peinture avec un métier de qualité exceptionnelle, alliant l’élégance désinvolte à la rêverie tendre, l’amour de la nature et le raffinement de la vision — et toujours avec cette pointe de moquerie qui évite à l’expression des sentiments l’emphase pathétique et l’émotion larmoyante.”

Enfin, l’expérience était plaisante et surtout dépaysante : ce n’est pas tous les jours qu’on se mettrait à écouter de son plein gré des cantates, encore moins si on n’est pas chrétien ! Il peut ainsi devenir bienvenu pour n’importe qui de souffler un peu, jeter un œil dans l’inconnu et – si aucun danger ne le guette – s’y engouffrer sans crainte et avec optimisme. La musique de Bach n’est pas un tunnel étroit et lugubre, elle est lumineuse. La musique de Bach est un tunnel aéré d’où on voit une douce lumière et d’où on sent la fraîcheur de la brise. Les Lumières grandissent avec Bach dans les oreilles, avec cette musique sublime qui ouvre un siècle de douceur dans les arts et d’agitation dans les peuples. Emmanuel Kant lui-même écrivait que : “est sublime ce qui, du fait simplement qu’on puisse le penser, démontre un pouvoir de l’esprit qui dépasse toute mesure”. Telle est la musique de Bach : sublime, transcendantale, si dure à dépeindre et que, quoiqu’il arrive, seule l’oreille comprend.

Adam Hasseni-Harcha, étudiant en khâgne