Hypokhâgne et khâgne : un soir de concert à Radio France en septembre 2022

Ce soir, les notes se sont envolées. Elles se sont délicatement déchirées des fines lignes des partitions, dans un frottement des cordes de violon.

Je suis certaine de les avoir vu danser, si la simplicité de mon esprit me permettait de comprendre l’intime complexité des maux écrits sous forme d’accords. Je ne pouvais penser, mes sentiments — pourtant bruyants— s’étaient éteints pour écouter les instruments embrasser l’air. Tous ensemble. Cet énorme orchestre s’unissait devant mes yeux ; dirigé par de simples bâtons de bois vernis. Il était impossible pour mon être, lui même dissonant, de se refuser à une telle musique, à ces harmonisations sur la mélodie des violoncelles. 

Je regardais les musiciens attaquer leurs instruments de mouvement plus que gracieux. Produire, ce que mon corps n’arrivait pas à assimiler tellement il frissonnait. J’en tremblais presque. J’ai pourtant enfin compris. La symphonie sonnait encore plus faux que mon esprit. C’était là toute sa beauté, sa force, sa puissance dans l’accord des bruits incessants de l’union des aigus et des graves des instruments.

Et voilà que mon cœur s’affole et s’agite, confond les pleurs et les rires, ne sait plus où donner de la tête, se perd entre les altos et les hautbois. Une vraie cacophonie intérieure. L’orchestre de mes pensées regardait celui qui se jouait devant mes yeux avec tant d’admiration, de jalousie, d’amour et de peine. 

Les notes se sont dispersées dans cette salle circulaire. Elles s’accrochaient à mes doigts et peignaient mes bras de leurs sons ; teintaient mon visage de leurs mots invisibles. J’étais ailleurs, parmi les notes dansantes. Je les voyais s’entrelaçant jusqu’à s’unir face à moi puis ne former plus qu’un.

Rien de plus beau n’avait produit sur mon âme une discordance aussi parfaite. Je n’étais plus que violons, clarinettes et contrebasses. M’évanouissant à la fin du morceau, sur le même papier que j’avais quitté au départ.

 

Julie NATANEK, étudiante en hypokhâgne