Hypokhâgne mai 2022 : « Des femmes au Panthéon » dans les ateliers de culture générale en histoire

Ateliers de culture générale en Histoire

« Des femmes au Panthéon »

 

Dans le cadre des ateliers de Culture Générale, les étudiantes et étudiants d’Hypokhâgne ont travaillé sur l’architecture et l’histoire du Panthéon de Paris, avant de réfléchir à la question de la place des femmes dans ce « lieu de mémoire » (Pierre Nora), en lien avec la panthéonisation de Joséphine Baker le 30 novembre 2021. Pour clore le cycle, ils ont rédigé, par groupes, un discours d’hommage à celle (de Gisèle Halimi ou de Joséphine Baker) qu’ils auraient souhaité voir entrer au Panthéon. Nous en publions deux ici et félicitons leurs rédacteurs et rédactrices, qui ont été chaleureusement applaudis par la classe. Mercredi 8 juin 2022, les auteurs et autrices des discours qui auront remporté le plus de suffrages auprès de leurs camarades auront l’honneur de prononcer leurs productions devant le Panthéon.

Floriane Schneider, professeure d’Histoire

 

Discours en hommage à JOSÉPHINE BAKER

rédigé par Mila Moreira et Margot Pommier

 

Tous les hommes peuvent vivre ensemble, s’ils le souhaitent”.

Lumière parmi un siècle de ténèbres et d’égarement, héroïne de guerre, combattante, danseuse, Joséphine Baker a toujours lutté pour l’égalité entre tous.

Nous ne sommes plus à une époque où les femmes ne sont rien, et aujourd’hui, en faisant entrer Joséphine Baker au panthéon, nous l’avons tous choisie.

On panthéonise pour se souvenir, pour célébrer, pour construire une mémoire collective, alors ensemble, célébrons aujourd’hui l’entrée au panthéon de la femme noire, talentueuse, forte, et engagée qu’était Joséphine Baker.

Incarnation de l’esprit français de par ces nombreux combats, elle a donné vie aux valeurs que porte tout citoyen de bonne volonté.

D’une enfant de 8 ans qui travaille pour nourrir sa famille en passant par le mariage a 13, cette femme symbole d’Espoir s’est toujours battu.

Battue pour elle, battue pour la France, battue pour nous.

C’est dans ce pays qu’elle a choisi, pays de son cœur, que Baker a mené ses combats.

Impératrice des stéréotypes qu’elle domine et écarte de coups de griffe, accompagnée de son guépard épique, elle se bat pour des droits universels. Elle endosse les rôles qu’on lui impose, et choisit de les chanter en prose, elle balaie les opinions qu’on lui appose, d’un pas de danse et de quelques poses.

Papillon volatile qui entretient ses passions tour à tour, femmes et hommes en n’importe quel jour, elle aimait sans restrictions au bras de ses deux amours.

Le bleu, le blanc et le rouge n’était pas ses seules couleurs de cœur, et l’arc en ciel avait pour elle beaucoup de valeurs. Elle peignait à grands traits son amour pour sa tribu adorée, et fière de sa sexualité, n’a jamais négligé les couleurs de sa communauté.

Contre une ségrégation toujours plus sévère, une dure pilule qui ne devint que plus amère, elle choisit la France pays de l’amour, devient citoyenne loin du pays qui l’emprisonne.

Résistante sans faille, elle s’érige, se dresse contre l’Allemagne nazie. Baker ne vacille pas. Flamme vaillante, elle rejoint la résistance sans attendre, au péril de sa vie devient « honorable correspondante », pour galvaniser les soldats préparant le Débarquement de Provence en traversant tout un désert.

Décorée d’une fraîche médaille de la résistance, elle continue son chemin et s’élance, revend ce bien, et livre l’argent à la Résistance.

Washington, 28 août 1963. La lutte est sans fin et s’étend, et c’est ainsi que devant des milliers de militants, elle prend la parole pour des droits civiques poignants, juste avant Martin Luther King, officialisant ce qu’elle appelle le « plus beau jour de sa vie ».

Après avoir dédié sa vie à la scène, sur laquelle elle a mené tant de ses combats, cette flamme s’est éteinte, deux heures seulement après une représentation. C’est aujourd’hui qu’on la remet sur le devant de la scène, dans notre panthéon d’histoire et de mémoire, afin de commémorer cette femme qui incarne la France avec tant d’audace.

Joséphine Baker ne s’est pas contentée, n’en déplaise aux grands hommes de cette patrie reconnaissante, d’être une femme belle, gracieuse, douce, aimable et cultivée, d’être associée aux préoccupations, aux rêves et aux travaux d’un homme de génie. Loin de là, Joséphine Baker s’est construite seule. Et c’est sous les yeux émerveillés, des quelques femmes panthéonisées qu’aujourd’hui elle fait son entrée, sans être escortée par un homme qui l’aurait brimée.

Vive la République.

Vive la France.

 

Discours en hommage à JOSÉPHINE BAKER

rédigé par Alice Lasmoles

 

« Aux grands hommes la patrie reconnaissante » : telle est la célèbre inscription du fronton du Panthéon depuis 1837. Pourtant déjà cinq femmes reposent sous les colonnes corinthiennes du grand monument.

Aujourd’hui, Joséphine Baker est la sixième.

Femme, noire, américaine, bisexuelle, résistante, militante, antiraciste, franc-maçonne et féministe, Joséphine Baker est une Française venue d’ailleurs.

Jeune femme, à 16 ans, elle est à Broadway ; femme, à 20 ans, elle est à Paris. Femme sauvage, poussée à danser seins nus, elle se joue des clichés racistes et désamorce l’érotisation du corps noir.

Femme, artiste de scène, femme arc-en-ciel, comédienne, entre célébrité et actions secrètes, engagement politique et identités multiples, elle côtoie les plus grands : de Fidel Castro au général De Gaulle.

Femme, icône féministe et antiraciste, symbole éternel de liberté, Joséphine Baker rentre au service de la France libre lors de la 2nd guerre mondiale. Elle est faite Chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire.

Femme à la vie échevelée, elle se bat aussi pour ses droits en étant active aux côtés de Martin Luther King, elle se bat pour les droits civiques aux États-Unis d’Amérique et en France aux côtés de la Licra.

Aujourd’hui, la bonté, le talent, le charme, la force, le courage et la générosité de Joséphine Baker l’ont menée au Panthéon.

Aujourd’hui, le Panthéon accueille sa sixième femme en son sein. Aujourd’hui, malgré un cercueil vide qui remonte la rue Soufflot, Joséphine Baker entre au Panthéon aux côtés de ceux qui ont forgé la France. Et aujourd’hui, comme le proclame Victor Hugo « comme le ferait une mère, la voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau ! ».