Hypokhâgne 2021-2022 : un souvenir éproustouflant

Ce lundi 15 novembre 2021, après un exposé sur la mémoire involontaire dans Combray, premier
chapitre de Du Côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, nous avons étudié le célèbre passage
de la madeleine, symbole mythique du souvenir involontaire et soudain.

La célèbre madeleine

A l’origine, il s’agissait d’une simple biscotte, d’après les premiers brouillons de Proust.

Mais pourquoi ? Parce qu’elle se ramollit, trempée, puis se regonfle, comme… la mémoire.

Seulement, le mot « madeleine » est plus poétique, il sonne plus mélodieusement. Surtout, il offre une dimension religieuse, sacrée, avec sa forme de « coquille Saint-Jacques » qui évoque le célèbre pèlerinage, un pèlerinage intérieur vers les lieux sacrés de l’enfance du narrateur.

Analyse par Adam H.

La dernière phrase du chapitre

Dans la dernière phrase du premier chapitre, on a pu voir la magie, l’explosion de souvenirs qu’a créés la madeleine en bouche : les lieux, les personnes, les moments réapparaissent petit à petit :

« Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. »

L’expérience du jeu japonais

 

Photographie de Hugo D.

A la fin de la séance, nous avons mis en œuvre cette métaphore des jeux japonais : un bol (beau de préférence) rempli d’eau, une fleur de papier repliée au préalable, et délicatement déposée sur l’eau, puis la fleur s’est ouverte, laissant son centre à la vue de tous, pétale par pétale, petit à petit, tout comme le retour d’un souvenir.

Compte-rendu de Christal A.

Comprendre la mémoire involontaire

Photographie de Méline H.

Poser cet origami sur l’eau, et observer la manière dont il se déploie nous a permis de mieux comprendre la mémoire involontaire, qui se déploie dans l’espace comme la fleur, rappelant des lieux et des objets perdus, pour éclairer l’hiver de l’oubli. C’est en effet une forme banale qui, dans les conditions nécessaires, développe ses pétales et porte ses fruits, de même que le souvenir involontaire, sans l’aide et même malgré les efforts de l’esprit, fait revivre le temps perdu.

Compte-rendu de Benoît L.

Photographie de Christal A.

La représentation des pensées du narrateur

Tout comme cette fleur en papier, ce petit village plié, nous sommes plongés dans la découverte du monde de Combray. Cette délicate manipulation fait passer au premier plan la vision du narrateur qui voit dans sa tasse de thé l’univers de son enfance se reconstruire étape par étape, pétale par pétale.

– « Car le style pour l’écrivain, comme la couleur pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision. » (Marcel Proust)

Compte-rendu de Hugo D.

Photographie de Mila M.

C’est ainsi que l’effet de capillarité illustre et synthétise ce passage de « l’hiver » du narrateur adulte, à la félicité et la joie du souvenir retrouvé. (Compte-rendu de Guillaume Lest.)

Le déploiement progressif des pétales illustre l’expansion des souvenirs du narrateur prenant de plus en plus de place dans son esprit comme la fleur dans le bol d’eau

Compte-rendu de Myriam S.

Photographie de Sofiane G.

Conclusion

L’éclosion de la mémoire à travers une sensation soudaine est éproustouflante. L’enfance, le bourgeon du souvenir, vit en nous, comme un souvenir enraciné. L’extase d’un adulte à l’approche du souvenir oublié fait repousser en nous l’enfant qui avait fané.

Compte-rendu de Maxence R.